Le marketing du « gros », ou comment l’achat en gros fait des gros et risque aussi de faire des petits…
Cool ! On peut dorénavant acheter ses produits « en gros », mais vraiment en gros. Ménagères, devenez acheteuses professionnelles ! 80 gourdes Pom’Potes Andros, 100 madeleines St Michel (en « cube » de 100), 6+1 paquets de Pépito, 48 Vache qui Rit…
On a toujours acheté le lait par 6, mais les madeleines par 100 ? C’est « énorme », pas moi qui le dit, mais Andros sur son pack.
Dans le contexte de tension sur le pouvoir d’achat, cette démarche semble avoir du sens et être favorable au consommateur. Acheter en gros permet d’obtenir un prix à la pièce qui est imbattable… Si tant est que les fabricants jouent le jeu (warning sur un prix au kilo « en gros » supérieur à celui à l’unité) et à condition de disposer de surface pour stocker.
L’offre prix est (souvent) alléchante et le pack tout autant. On aime le « cube » Saint Michel, travaillé sans en avoir l’air, joliment tendance, jouant la carte de l’empathie, du plaisir et de l’affectif en empruntant une partie de ses codes à Michel (tiens, tiens) et Augustin.
Par contre, les emballages sont multipliés et renforcés (solidité et plus longue conservation requises) sans pour autant supprimer les emballages intérieurs (sachets fraicheur obligatoires pour protéger les 100 madeleines des mites et autres prédateurs…). Bref, le « gros » ne va pas dans le sens d’une rationalisation écologique des emballages.
Mais le hic, c’est surtout qu’acheter en gros revient à banaliser la nourriture en quantité, considérer que « beaucoup » est la norme. L’opération « Supersize* the madeleine » revient à avoir chez soi une quantité astronomique de madeleines. Et là, plus aucune barrière à une consommation répétée et excessive : « Prends donc une madeleine, c’est rien qu’une (parmi 100), personne (même pas toi) ne le remarquera dans le gros et en plus, tu l’as pas payée cher ! ».
La raison économique est une fausse bonne raison et le prix a priori accessible est un pousse-au-crime. D’ailleurs le prix ? Celui des madeleines n’est pas affiché en rayon. Je le trouve sur Internet : 4,64 € pour 100 madeleines, pas cher a priori. Mais les 80 Pom’Potes, 16 euros, et là c’est une somme. Finalement, on n’achète plus par gourmandise, mais par envie de faire une bonne affaire, de se payer de la marque et de faire plaisir aux enfants… enfants dont il est souvent difficile de contrôler les consommations alimentaires et notamment sucrées… et ces offres n’aident vraiment pas.
Les codes du gros sont à l’opposé des codes du bio. Quantité, générosité, abondance, plaisir par overdose, apparente accessibilité versus parcimonie, rareté, retenue, prix élevé et contrôle presque obsessionnel.
En gros, deux systèmes de valeurs qui s’opposent.
Pour en finir avec les madeleines, si Proust en avait eu 100 planquées dans le garage, en aurait-il gardé ce souvenir si particulier ?
PS : En surfant un peu, j’apprends que lors des « ventes géantes » de Leclerc, on peut avoir 6 Ariel écodoses pour 27 euros : oui, oui, oui !
* Have a look at « Supersize me » dans lequel Morgan Spurlock dénonce le système de surconsommation alimentaire instauré par les fast foods et l’industrie agro alimentaire aux US.